MERCURY REV



Mercury Rev, FNAC et Zénith Arena, Lille, 25 juin 2002

Le dépliant de la FNAC annonçait une séance de dédicaces à 16h. Aussi j'avais juste emmené mon appareil-photo, deux stylo-feutres et la couv' de l'album « All Is Dream ». Une fois arrivée là, je m'entends dire que les photos sont (en principe) interdites et qu'une conférence de presse précédera la séance de dédicaces. « Merde ! J'ai tout faux ! J'aurais mieux fait de prendre mon enregistreur mini-disc! En plus, j'ai même pas de quoi prendre des notes... ». Je me ressaisis, décide d'aller demander à un vendeur que je connais de me prêter un stylo et des feuilles de papier puis me poste devant l'entrée du Forum de la FNAC. Les portes s'ouvrent vers 15h30. Je rencontre Sandrine qui s'installe juste derrière moi et nous bavardons, entre autre de Jérôme : « Est-il là ? A quoi ressemble-t-il ?... ». 16h et trois membres du groupe ne tardent pas à arriver -- Jonathan, le chanteur - Grasshopper, guitariste, un verre de vin rouge à la main - Jeff, le batteur, un verre de vin rouge à la main aussi -- accompagnés d'un animateur et d'une interprète. Ils s'installent, visiblement détendus et pas mécontents d'être là et l'animateur amorce la discussion avec une première question :

-- Si en 98 « Deserter's Songs » était « a new beginning » (tout le monde comprend l'anglais sur Music Is My Radar n'est-ce pas ?), alors, « All Is Dream », c'est quoi ?

Jonathan répond que c'est « the middle of the beginning ». Je suis assise juste devant Jonathan et je l'invite à approfondir sa réponse en lui demandant «but how long is the road? ». Jonathan se gratte la tête, décide que c'est la question la plus difficile qui lui ait jamais été posée, part dans des raisonnements de physiques quantiques qui mettent l'interprète à rude épreuve et se résout à expliquer simplement que ce qu'ils font aujourd'hui est différent de ce qu'ils faisaient il y a quelques années et de ce qu'ils feront plus tard. « Nous ne savons pas où nous allons. Nous n'avons pas de destination déterminée. Nous nous posons des questions, les mêmes que tout le monde se pose et nous n'avons pas de réponse ». Puis il poursuit en disant qu'en tournée, à défaut de pouvoir se confier à quelqu'un sur l'oreiller, il s'exprime en écrivant des chansons... ce qui m'amène à lui poser une deuxième question : dans ses chansons, s'adressent-ils à des personnes précises ? Il me fixe droit dans les yeux, répond par la négative et explique calmement que lorsqu'il est en tournée, il rencontre beaucoup de gens qui lui en rappellent d'autres « du pays », des amis, des êtres chers, comme s'il y avait quelque chose qui nous unissaient les uns aux autres (« threads that run through people ») et que ce sont ces nouvelles rencontres qui vont lui servir de tremplin pour écrire des chansons en référence à d'autres personnes.

Mon voisin leur demande s'ils auraient aimé composer la musique du film « Star Wars », ce qui amène une réponse franche et unanime : non. Je leur fais remarquer que pourtant leur musique semble très appropriée à la sonorisation de films et leur demande si des propositions leur ont déjà été faites. Ils reconnaissent qu'ils aimeraient beaucoup faire de la musique de film mais regrettent de ne pas être suffisamment disponibles pour le faire. Composer pour une oeuvre cinématographique requiert beaucoup de temps et de concentration et les tournées rendent la chose pratiquement impossible. Néanmoins, ils ont déjà reçu des propositions et composé une chanson pour un film qui devrait sortir cette année.

L'animateur bifurque la discussion sur leurs propres mini-films, à savoir leurs vidéos. Jonathan explique qu'elles leur permettent de donner une interprétation particulière à leurs chansons, qu'elles comportent beaucoup de symbolisme, « d'images archétypes » à la manière des peintures, en bref, une masse d'informations qui leur semblent importantes mais il affirme que l'interprétation qui en est faite par les spectateurs leur importe peu. Il regrette que leurs vidéos soient fort peu diffusées (car pas assez commerciales). Je lui fais remarquer qu'elles passent parfois sur MTV2, ce à quoi il répondra : « aucun d'entre nous n'a la télé ».

Un gars de l'assistance leur demande ce qu'ils pensent de jouer ce soir devant un public de fans vêtus de T-shirts « Garbage ». Visiblement, ça ne leur pose pas trop problèmes. Ils sont habitués, disent-ils, à jouer devant des jeunes et moins jeunes qui les écoutent bouche bée. Finalement, ils sont plutôt contents de jouer devant un public qui va les découvrir... Ma foi, je n'ai pas trop envie de contredire mais je suis la preuve vivante que ce soir, certains se seront déplacés non pas pour Garbage mais bel et bien pour Mercury Rev.

Une dernière remarque formulée par l'animateur à Jonathan : en concert, vous semblez « possédé »... Jonathan ricane et dévie la question en remarquant qu'une fois, à la frontière du Canada, il lui est arrivé d'avoir des ennuis parce qu'il était en possession... de produits illicites. L'animateur rebondit sur l'idée et lui demande s'il faut être sous l'emprise de la drogue pour composer des chansons planantes comme les leurs. Jonathan semble réticent à se dévoiler mais cette fois la question parait trop importante (voire pressante) pour qu'il l'esquive. C'est avec beaucoup de pudeur et de sérieux qu'il expliquera, les yeux fermés, que les drogues sont « a misconception », que c'est une idée fausse que de croire qu'il faille être sous l'emprise de la drogue pour réaliser des chef-d'oeuvres et que celui qui soutiendra chose pareille n'a certainement jamais été sous la dépendance de la drogue. Jonathan, lui, l'a été pendant une courte période de sa vie. Et il explique que lorsque l'on va mal, très mal, on ne cherche pas à écrire des chansons. On cherche une raison pour se tirer du pieu et petit à petit tout s'écroule. On ne voit plus sa copine, ses amis, on ne reçoit plus de coups de fil, on ne retrouve plus sa guitare sauf au mont-de-piété mise en vente pour le quart du prix que vous l'aviez payée. Non, les drogues, c'est ni drôle ni cool, affirme-t-il (réminiscence d'un cauchemar pour lui apparemment) et de conclure que leur musique est uniquement le fruit de leur travail, un travail soutenu 15 heures par jour, réparti entre séances d'enregistrement et tournées.

L'animateur clôt la conférence. Je pose la question-clé : les photos sont-elles autorisées ? Les trois gars n'y voyant pas d'inconvénients, les appareils-photos les mitraillent pendant qu'une table est installée pour la séance d'autographes. Je présente deux feutres à Jonathan (un vert, un marron), le petit dépliant inséré dans le boîtier de « All Is Dream » et lui demande de choisir une couleur et l'endroit où il veut signer. Il choisit le feutre vert et l'avant-dernière page qui ne comporte pas d'écriture, je dicte mon prénom et me permets une dernière question : est-ce que Mercury Rev est plus populaire en Europe qu'aux États-Unis ? Il me répond que c'est certainement le cas, comme pour beaucoup d'autres groupes Américains peu exposés tels que Sonic Youth et les Dandy Warhols. Je le remercie, récupère mon feutre vert et le dépliant où il a écrit « pommes bleu », et salue Jeff puis Grasshopper qui me félicite pour mon T-shirt « Bob Dylan » et me demande si je l'ai vu sur sa dernière tournée (lui et Jonathan sont de fervents admirateurs de Bob Dylan). Avant de quitter les lieux, je demande à récupérer (pour le Webmaster de http://www.allisdream.fr.st) le superbe (mais non moins encombrant) support rigide annonçant Mercury Rev à la FNAC de Lille. Sandrine l'emmène chez elle et je prends le chemin du Zénith Arena.

Zénith Arena

1500 personnes

Setlist :

Funny
Chains
Rhymes
Tides
Holes
Hercules
Goddess
Opus
Dark


Six gars sur scène : deux claviers, un batteur, trois guitares pour un set magistral. Jonathan, tour à tour apprenti-sorcier et chef d'orchestre, parvient rapidement à méduser un public venu en grande partie pour Garbage. Sa diction est parfaite, sa voix envoûtante, les mélodies magiques. Les ouvertures et les chutes sont particulièrement soignées, dignes d'un concert de musique classique. Au fil des chansons, le public est conquis et les applaudissements se font de plus en plus enthousiastes. Après un Chains aux envolées dramatiques et quasi-surnaturelles puis un Holes émouvant, la deuxième partie du set sera encore plus impressionnante : rythmique d'enfer sur Hercules, un Goddess On A Hiway qui fera se dandiner un auditoire jusque là resté interdit d'étonnement et d'admiration, intro et outro rallongées sur un Opus 40 d'anthologie et un The Dark Is Rising majestueux, presque solennel. Mercury Rev, quel merveilleux compromis entre pop music et musique classique ! Grandiose !

Maryse Laloux


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